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Si tu parles

  • Loup Balthazar © Marie-Clémence David

LOUP BALTHAZAR

Comme un nombre considérable d’enfants, j’ai assisté, impuissant, au viol de mon innocence par les adultes. Leur domination a paralysé mon langage et enclavé mon histoire dans une prison de mots imprononçables. "Si tu parles, je te tue". LA MENACE. Mon texte explore la sclérose de cette promesse de mort dans les chairs, l’empreinte que les mécanismes de silenciation et de discrédit laissent en sillons profonds dans la pensée.

Heureusement, et ce fut là mon horizon, cette menace ne concernait que le dire. Aucune consigne n’avait été donnée quant à l’écriture. Ainsi put s’ouvrir la brèche par laquelle je devins graphomane à l’âge de quatre ans. Par l’écriture, se tisse et s'élabore une vie parallèle. Je mène une double-vie : un quotidien de silences et de faux-semblants soudé par le calame à une existence de papier dense et vraie. "Si tu parles, tu vis". L’EXPÉRIENCE.

Inlassable, la pulsion de vie de mon enfant-poète s’en revient à la charge. Les fantômes sont têtus. Alors pour lui, pour tous les autres tout-petits du monde, je plonge dans les eaux troubles de l’a-mémoire et remonte au grand-jour les murmures engloutis. "Si tu parles, tu aimes". L’HYPOTHÈSE. En prenant la parole, j’ose délivrer mon cœur de sa gangue d’humiliation et de violence. Que ma voix chante la dissolution de ces deux socles de nos sociétés malades et la fin de notre suffocation collective ! Parce que la révolution est toujours un langage, je fonde le Théâtre d’Os, afin d’articuler sur scène la guérison qui me rendra mon corps, mon verbe et mon enfance.

Loup Balthazar

Commande d'écriture du Bureau des Filles.

Avec le soutien de la Chartreuse-Cnes.